Septembre 2022 - Dossier saumons partie 5 et DSAC

 21 septembre.

CNRA

 De bonnes nouvelles à vous annoncer. 

 Petit retour en arrière où je vous avais dit en mai que nous souhaitions rester discrets suite au non renouvellement du CNRA du SPEEDJOJO. Le représentant de l'OSAC s'était ému de voir des modifications non reportées et a jugé que ce n'était pas que cosmétique. Le responsable de l'OSAC a donc fait remonter le dossier à la DGAC pour avoir leur avis technique. L'ingénieur structure DSAC nous a alors demandé des explications sur les différentes modifications, et elles sont nombreuses, depuis l'établissement du premier CNRA du F-PKPL. Les principales sont:

  • Installation des efis en conservant badin, alti et compas mécanique
  • Installation des karman d’emplanture
  • Installation d’un nouveau capot moteur
  • Installation de nouveau volets (justification fournie le 12/09/22)
  • Installation de saumons de voilure

 La plupart n'ont pas posé de problèmes particuliers, mais il a fallu documenter les saumons d'ailes et les extensions de volets. Ce que nous avons fait.

 Pour les saumon j'ai actualisé la feuille de calcul que j'avais réalisé dans l'étude "mettre ou ne pas mettre des saumons d'ailes au jojo" avec la taille réelle des saumons, plus petits que dans l'étude initiale. Nous en reparlerons, je ferai le dernier volet de cette étude pour la finir. La dernière feuille de calcul fait apparaitre les marges en % (moments fléchissants et efforts tranchants) par rapport aux limites élastiques du longeron le long de l'envergure de l'aile. Le facteur de charge maxi du DR1050 est de +4,1g. La norme AIR2052 n'impose que +3,5g, nous avions donc un peu de marge, mais elle n'a pas été nécessaire puisque nos calculs démontraient que nous restions dans la limite élastique avec les saumons à +4,1g.

 Concernant l'extension de 20 cm des volets en intrados, nous nous sommes concentrés sur la norme AIR2052 qui établit des efforts sur les volets en fonction de la charge alaire de l'avion et de la surface des volets. A noter qu'elle est surement très conservatoire, dans la mesure ou elle ne fait pas intervenir ni la vitesse, ni le braquage ! Papa a donc fait des essais de chargement avec un cric sur les 6 potences de volets (3 de chaque coté), pour vérifier qu'elles supportaient bien un effort vertical de 13 kg, valeur obtenue grâce à l'abaque de la norme.


 L'expert à alors conclu qu'il n'avait pas d'objections techniques et notre dossier retourne à l'OSAC. Nous espérons maintenant que la remise en vol sera rapide.

Lien vers la AIR 2052

 

28 septembre.

DOSSIER TECHNIQUE

 Mettre ou ne pas mettre des saumons d'aile au Jojo (Partie 5)?
Septembre 2022

Retour sur le passé : 

 C'est après plusieurs années que je reprends ce dossier, que j'avais laissé inachevé en octobre 2014. Avec tout ce temps passé, nous avons pu mûrir ce dossier et surtout lui donner vie. Pendant toute cette période, nous avons progressivement avancé dans le soin aérodynamique de la cellule avec la réalisation d'un nouveau capot moteur plus fin. Nous avons également repris le carénage de jonction fuselage dérive, agrandi la surface des volets et caréné la roulette de queue.

La dure réalité :

  Concernant les saumons, il est apparu assez clairement que le projet d'augmenter l'envergure de 90 cm ne pourrait pas se faire sans un lourd travail de reprises structurales avec désentoilage obligatoire, demande à l'autorité, etc... De plus, nous manquions d'un savoir faire pour effectuer les calculs de résistance structurale qu'on pensait ne pas pouvoir réaliser sans aide. Je me souviens qu'à l'époque, plusieurs personnes s'étaient proposées, puis elles ont oublié. Le projet s'est donc peu à peu éteint et nous nous sommes concentrés sur les réalisations décrites plus haut.

 

La covid, une opportunité :

  Puis la Covid est arrivé qui nous a cloué au sol pour longtemps. On en a profité pour envoyer le moteur en révision qui nous a révélé qu'un segment était cassé et aussi la raison d'une fuite d'huile permanente au palier avant : il y avait un défaut de fonderie, un mauvais ébavurage obturait un trou de récupération de l'huile ! Il a fallut aussi s'occuper pendant cette période et je me suis donc replongé dans le projet saumons.


Éviter des travaux de structure :

  C'est au doigt mouillé que j'ai choisi la largeur de mes extensions, 20 cm de chaque coté. Il fallait que cela semble cosmétique, voire négligeable pour l'administration, mais je voulais quand même pouvoir constater quelque chose de mesurable. L'allongement géométrique passait ainsi de 5,6 à 6 sans engager de travaux de structure sur l'existant.

  A vue de pif, nous avions de la marge, car le manuel de vol donnait un facteur de charge maxi élastique de 4,1g alors que la norme AIR 2052 n'exigeait que 3,5g. Le moment fléchissant à l'emplanture du newJOJO avec ses saumons à 3,5g était inférieur à celui du JOJO d'origine à 4,1g d'après ma feuille de calcul. C'est généralement là que ça casse dans les films. Mais ce n'était plus vrai dans la partie de l'aile en dièdre où une charge supplémentaire, quoique modérée, apparaissait dans les mêmes conditions. La suite n'est pas super scientifique, mais nous avons considéré que le bout d'aile est nécessairement surdimensionné structuralement ne serait-ce que pour la manutention de l'avion. On ne réalise pas forcément que si la structure était seulement dimensionnée pour les charges aérodynamiques, le fait d'exercer des efforts parfois importants à la main sur les bouts d'ailes pourrait faire qu'ils nous restent dans les mains. En bref, il y a donc nécessairement de la marge, sans savoir combien.

 

Réalisation des saumons :

 Ça ne m'a pas empêché de débuter les travaux. J'ai choisi un profil voisin du profil de voilure NACA 23012 quoique évidemment plus mince, et un calage supérieur de 1° au calage de bout d'aile pour essayer de ne pas pénaliser les hautes vitesses en dévrillant un peu. J'en ai profité pour réaliser des supports de cameras sous la forme de winglets du plus bel effet, mais de peu d'efficacité compte tenu de leurs faibles surfaces. J'ai également intégré de beaux flash led que j'avais acquis pour l'occasion. J'ai moulé les saumons sur les extrémités d'ailes de façon à pouvoir les enfiler latéralement sans autre jeu que l'épaisseur du scotch de protection. J'ai ensuite décidé de les coller à la colle Sikaflex marine d'excellente tenue dans le temps et souple. De cette manière j'évitais les perçages dans le bout d'aile et les têtes de vis qui dépassent pour le meilleur état de surface possible. L'extension devait être assez solide pour pouvoir manipuler l'avion avec des efforts conséquents en gardant en tête l'activité montagne où il faut parfois pousser fort pour se sortir d'un mauvais pas. Il y a donc une poignée renforcée en extrémité. Chaque saumon pèse un peu plus d'un kilo, c'est un peu lourd, mais c'est le prix de la solidité.

Essai structural des attaches saumons :

  Pour vérifier partiellement la partie structurale concernant l'attache du saumon, je les ai chargé à 16 kg en extrémité, dans les deux sens, ce qui d'après mon modèle de calcul correspondait à environ 6g. Donc on est large et c'est pas là que ça cassera en premier.


Essais en vol, performances :

  Nous avons ensuite conduit les essais en vol avec l'exploration d'une grande partie du domaine de vol, fait une envolée en Espagne, de la montagne et accumulé une centaine d'heures dans cette configuration. Le bilan est pour moi excellent en termes d'amélioration des performances car ça se voit, ou plutôt, ça se mesure. Le vario en montée au niveau de la mer augmente de 100 ft/mn et la vitesse d'approche diminue de 3 km/h, avec peut-être un effet cumulé de la modification des volets.

 


  Une chose m'a marqué un jour de sortie montagne avec le père. Nous faisons toujours un peu le même circuit et notamment l'étape Mens-L'Escoulin où l'on doit passer le Vercors.

  Après le décollage de Mens, on continue tout droit à la vitesse de 150 km/h, plein gaz et sensiblement toujours à la même masse. Sur la route juste, avant le Vercors, il existe une ligne de crête perpendiculaire à la route que nous avions du mal à passer en directe. Il fallait le plus souvent appuyer à droite pour éviter ce relief. Telle ne fut pas ma surprise une fois équipé de nos saumons de passer cette même ligne de crête avec, à vue de nez ,une marge de 300 ft. Grâce à Google Earth j'ai pu réaliser un petit calcul qui conclut que le vario moyen était supérieur de environ 70 ft/mn à une altitude moyenne de 4000 ft. Par ailleurs nous avons aussi conduit des mesures de finesse max en atmosphère calme qui montrent une amélioration de 2 points en passant de 12 à 14, avec une contribution du travail aussi fait sur la trainée du fuselage. D'ailleurs, je le redis ici, il est très difficile de pouvoir attribuer précisemment chaque gain à une modification donnée compte tenu de la précision de mesure. L'accumulation de ces modifications permet de rendre ces améliorations mesurables dans leur ensemble.


Frictions avec l'administration :

  Puis il y a eu la visite de renouvellement du CNRA en mai de cette année, qui ne s'est pas bien passée. Je me rends compte rétrospectivement que ce que je considérais comme cosmétique ne l'était pas tout à fait, et que ma phobie administrative nous mettait pour ainsi dire hors la loi. Ce n'est pas un problème de sécurité, on ne fait pas n'importe quoi, mais je me mets à la place du fonctionnaire qui en a vu de toutes les couleurs dans sa carrière et qui a besoin d'être rassuré avant de mettre le coup de tampon. Donc nous avons justifié auprès de l'ingénieur structure de la DSAC.

Complément d'étude pour justifier :

  J'ai donc repris ma feuille de calcul pour la mettre à jour la taille réelle des saumons, plus quelques améliorations notamment en tentant de tenir compte le mieux possible du paramètre allongement vu par l'écoulement, qui n'est pas l'allongement géométrique quand on a affaire à une aile vrillée comme la nôtre. En particulier cet allongement dépend de la vitesse pour faire simple, mais plus précisément du Cz à l'emplanture. Cet élément de mise à jour intervient au second ordre pour les résultats, mais c'est une amélioration.


Feuille de calcul (OpenOffice Calc) :

  Le fichier comprend 3 pages. La première concerne le JOJO1 désigné comme le jojo d'origine. La deuxième concerne le JOJO3 avec les saumons finaux (le JOJO2 du précédent fichier comprenais les larges saumons de 45 cm). Enfin, une troisième page apparaît qui permet de présenter par section d'aile le pourcentage d'efforts par rapport à la limite élastique de 100%. Cette page est liée dynamiquement aux deux premières, on peut donc facilement y faire des comparaisons entre les JOJO1 et 3 pour lesquels on aura préalablement renseigné la masse, le facteur de charge et le Cz emplanture. Pour réaliser cette dernière page il a donc fallu nous plonger dans les plans du DR1050 et la résistance des matériaux. Avec le recul, ce fut finalement assez simple, beaucoup plus que je ne le pensais, ce qui m'avait retenu jusque là de le faire.

 

Calcul des chargements :

 Pour comprendre dans le détail le fonctionnement de mes feuilles de calcul, je vous renvoie à la partie 2 de ce dossier, mais je vais tâcher de résumer les calculs qui y sont fait.

 Quand vous exécutez le programme, vous tombez sur la première page concernant le JOJO1. En bas de page, vous avez accès à deux autres onglets. « JOJO3 » et « Pourcentage de la limite élastique JOJO1 et 3 ».

  Les deux premières pages établissent le moment fléchissant et l'effort tranchant pour chacun des JOJO1 et 3 le long de la voilure, avec un pas de 50 cm pour la partie de l'aile à plat, puis de 20 cm pour la partie en dièdre.

  Sans entrer dans le détail, tous les Cz locaux sont calculés à partir du Cz emplanture, qui est une entrée à notre main, on tâchera donc d'y mettre des valeurs réalistes. Ces Cz locaux sont calculés en tenant compte de la position de l'élément de surface en envergure et du vrillage de l'aile. La somme pondérée par la surface de tous ces Cz locaux permet de calculer un Cz global de l'aile. La masse avion et le facteur de charge sont également des entrées à notre main. La vitesse est ainsi calculée avec l'équation de portance à partir du Cz global, de la surface voilure, du facteur de charge et de la masse.

  A titre d'exemple, si je rentre 780 kg, n=1g, volets à 0 et Cz emplanture = 1,7 (Cz max avant décrochage), j’obtiens les vitesses :

  • 90,5 km/h pour le JOJO1

  • 89,0 km/h pour le JOJO3

    qui, au passage, sont tout à fait réelles car il y a bien apparition du buffeting. Cela constitue une belle validation du modèle aérodynamique aux grands angles.

  La vitesse et tous les Cz locaux étant maintenant connus, il n'y a plus qu'à calculer tous les éléments de portance (forces) qui s'établissent le long de l'aile. On établira aussi du mieux qu'on peut l'allégement, qui est le poids estimé de chaque élément de surface qui s'exerce en sens inverse de la portance. Une fois la force finale s'exerçant sur chaque élément de surface connu (portance locale – poids local) on calcule les efforts tranchants sur chacune des sections en additionnant les forces à l'extérieur de ces sections (entre l'extrémité de l'aile et la section considérée). Le moment fléchissant subi par chaque section est la somme de tous les couples induits par tous les éléments de surface à l'extérieur.

  On comprend aisément l'avantage d'utiliser une feuille de calcul tellement ces calculs seraient rébarbatifs à faire à la main. Ma précédente feuille de calcul n'en faisait pas plus, j'y constatais que les saumons augmentaient les efforts dans toute l'aile avec un accroissement relatif plus important en extrémité de voilure.


Résistance du longeron :

  Le longeron du jodel est creux, de section rectangulaire, avec des semelles dans les coins qui reprennent les efforts de flexion et des coffrages verticaux qui reprennent les efforts tranchants. L'épaisseur du longeron diminue progressivement dans la partie en dièdre ainsi que l'épaisseur des semelles.

  J'ai donc, après lecture attentive du plan de l'aile, calculé les différentes sections de semelles et bras de levier pour déterminer la pression spécifique de chaque section induite par le moment fléchissant local. La pression spécifique, c'est la traction ou la compression dans les semelles exprimée en Mpa.

1 Mpa = 1 N/mm²

  La rupture en compression du pin d'Orégon (semelles) est de 40 Mpa

  La limite élastique admise est de 26,7 Mpa (rupture/1,5)

  J'ai aussi calculé les sections de coffrages pour les efforts tranchants.

 La limite en rupture cisaillement ctp Okoumé est de 12 Mpa dans le droit fil et 25 Mpa en diagonale, donc la limite élastique en diagonale est de 16,7 Mpa.

  Si l'on se réfère à la figure « section longeron » la pression spécifique dans les semelles (chaque semelle est constituée des deux baguettes qui sont à la même hauteur) est égale au moment fléchissant sur cette section divisée par le produit H.S. Le cisaillement spécifique est, lui, obtenu en divisant l'effort tranchant sur cette section par la surface S'. Pour le calcul de S' on peut prendre toute la hauteur du longeron et l'épaisseur du coffrage.


Affichage des efforts en pourcentage de la limite élastique :

  La troisième page de ma feuille de calcul présente pour chaque section d'aile (et pour chaque avion) le pourcentage de la limite élastique atteint pour la simulation réalisée.

  Par exemple, pour le JOJO3 à masse maxi de 780 kg et sous facteur de charge 4,1 à Cz emplanture de 1,7, qui est le cas le plus stressant du domaine de vol, la section la plus stressée se situe à 2,70m de l'emplanture (la cassure du dièdre) à 87,5% de la limite élastique. Normalement ça casse à 150 % pour rappel. Sur le JOJO1, dans les mêmes conditions, le stress le plus fort est à 1m à 75,7%.



 Lien vers la feuille de calcul : ici


Conclusions :

  L'observateur attentif pourra nous reprocher de ne pas avoir fait les choses dans le bon ordre, mais j'ai envie de dire que seul le résultat compte. De mon point de vue le but est atteint et contribue au cahier des charges « montagne » que nous nous étions fixé, sans détériorer la vitesse de croisière. L'installation de ces saumons d'aile améliore sensiblement les performances en altitude, sans augmentation de puissance et pour un gain de masse que nous avons déjà compensé par des allègements successifs là où c'était possible. La puissance installée devenait limite pour la visite d'altisurfaces autour de 7000 ft dans les Alpes nord, nous y retournerons pour, je l'espère, constater une amélioration.


  Dans l'état actuel des mesures que nous avons faites et que je continurai à enregistrer pour plus de précision, nous avons gagné +15% de vario par rapport au jojo d'origine en incluant l'ensemble des travaux d'amélioration. Nous avons également pu diminuer la vitesse d'approche de 3 km/h par l'effet cumulé des saumons d'aile et de l'augmentation de surface des volets.

  Enfin, la consommation distance en régime croisière économique a diminué, sans pour l'instant pouvoir annoncer des chiffres précis, cela se fera.


 Merci de votre attention.

 Télécharger la version pdf ici


 


3 commentaires:

  1. Avec la Air2052 vous avez sorti le grand jeu ! Indispensable. Vous avez été obligés de convertir les pressions d’admission en pieze comme demandé dans la norme? Il y a aussi dans cette norme des trucs rigolos comme la prise en compte éventuelle de présence de savon à bord dans le calcul de la masse à vide. Je suis sûr que précis comme vous êtes, vous avez vérifié combien il y en restait ! Ils ont tout prévu les américains...

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