Novembre 2022 - Dossier aérofrein P2

 3 novembre.

Instruction A330/350.

 Cela n'a que de loin un rapport avec ce blog, mais je vous annonce quand même avec fierté que je suis promu instructeur LTC sur Airbus 330/350 depuis hier. LTC ça veut dire Line Training Captain, une nouvelle opportunité d'instruction qui n'existait pas avant, c'est à dire que je vais faire uniquement des adaptations en ligne de commandants et co-pilotes en fin de cursus de formation, après leur qualification machine. J'ai toujours voulu faire ce type d'instruction d'accompagnement et de compagnonnage, mais il n'existait avant que la possibilité de faire instructeur "complet", avec beaucoup de simulateur, ce que je ne souhaitais pas pour me conserver du temps pour la passion qui anime ce blog. Bon, finalement ça a un rapport :)

  Bref, je rentre tout juste d'un aller/retour Chicago avec un stagiaire captain et un instructeur superviseur qui m'observait dans l'exercice de ce nouveau métier. C'était super, mais j'avoue que la place droite que j'occupais et dont j'avais perdu l'habitude, a été un challenge pour moi. Pas pour le pilotage qui curieusement est peu impacté, mais pour tous les autres boutons. J'avais l'impression d'avoir deux mains gauche :)

 Mais revenons à nos moutons.


DOSSIER TECHNIQUE 

Volet/aérofrein ventral pour Jojo (partie 2)


Un aérofrein, ça sert à quoi ?

A freiner me direz-vous. En réalité on utilise moins souvent les aérofreins pour ralentir que pour augmenter la pente de descente, soit pour respecter une contrainte d'altitude, soit parce qu'il devient évident que la distance jusqu'à la piste ne permettra pas de résorber un excédent d'altitude par d'autres moyens.

Pour notre activité de montagne, j'ajouterais un besoin spécifique. Il existe des terrains de montagne où la pente d'approche en finale est contrainte par le relief, obligeant à arriver sur la pointe des pieds, très près du relief. Si en plus une l'aérologie capricieuse s'en mêle, ça peut vite devenir scabreux. Donc pouvoir augmenter à sa guise la pente, sans accélérer, est un élément de sécurité indéniable, surtout si l'avion a une bonne finesse, ce qui est, bien entendu, notre cas. Il faut alors pouvoir augmenter la traînée.


Contrôle de l’énergie en finale.

Rappelons que pour une sécurité optimale lors de la finale, l'avion doit être en capacité d'apporter des corrections dans un sens comme dans l'autre. On doit pouvoir apporter de l'energie au mobile avion ou lui en retirer en quantité suffisante dans des délais assez courts. Par exemple, les pilotes de planeurs conduisent leur approche finale avec la moitié de l'efficacité totale des aérofreins sur le plan qui correspond à cette configuration. Ainsi, les corrections sont apportées en modulant l'usage des aérofreins autour de cette position moyenne à la façon d'une manette de gaz. On comprend donc que plus l'efficacité des aérofreins est importante, plus la plage de contrôle du planeur l'est également, mais pour profiter de cette plage étendue, il devra choisir un plan d'approche plus fort pour rester en milieu de plage.


Le plan perçu par l'avion est un plan air, il convient donc que le pilote tienne compte de l'aérologie dans le choix de son plan sol. Par exemple, du vent de face en finale doit conduire le pilote à choisir un plan sol plus fort que sans vent, de manière à garder le même plan air et en conséquences conserver ses marges comme nous venons de le voir.


L'aviation de plaine doit rester facile.

Notons au passage que l'aviation de plaine n'intègre pas ces variables dans ses procédures au-delà d'un ajustement de vitesse d'approche. Pas de plan différent de 3° (ou 5,2%) qui est le standard. Les raisons sont assez logiques. Il faut que la conduite d'une approche ne soit pas excessivement compliquée pour le pilote moyen. Ensuite, l'environnement des terrains de plaine est souvent bien dégagé, si l'approche est mal emmanchée, il y a toujours l'option de la remise de gaz. Enfin, la puissance disponible du moteur est plus importante qu'en montagne (effet de densité de l'air) pour les corrections d'écarts en approche. La puissance installée donne donc de bonnes marges et tous les avions sont plus ou moins conçus pour être à l'aise en finale sur un plan de 3°. La longueur de piste disponible est généralement peu limitative, ce qui permet le plus souvent de tolérer un atterrissage un peu trop long sans conséquences.


Planeurs et montagne, même problématique.

Mais revenons aux planeurs qui n'ont pas la possibilité de remettre les gaz. Quand le pilote de planeur décide d'atterrir, c'est un engagement fort et l'appareil doit offrir des capacités de correction importantes pour que chaque atterrissage ne soit pas un miracle ou le résultat d'un pilotage parfait. La pleine extension des aérofreins fait généralement chuter la finesse en dessous de 5, alors qu'elle avoisine les 25 en lisse sur un planeur école de type ASK13. C'est à dire que le plan air peut évoluer de 4 à 20% ! J'ai le souvenir d'un stage planeur à Chambéry où notre plan d'approche était le double du plan standard avion, donc autour de 10% sans vent, donc pas tout à fait au milieu de plage, mais avec de bonnes marges des deux cotés.

Mais pourquoi je vous parle de planeurs ? Les plus attentifs auront remarqué la similitude de la problématique planeur avec celle de l'atterrissage d'un avion fin, sous-motorisé en montagne avec en plus des terrains courts et en pente.


Problématique du Jojo.

Parlons maintenant du Jojo et de ses capacités de corrections. Elles sont, en comparaison avec les planeurs, beaucoup plus limitées. Sur le plan à 5% en configuration atterrissage, le régime moteur est bas, aux alentours de 1500 tpm, ce qui indique que la capacité à ralentir ou à faire face à une pompe qui me pousserait au-dessus du plan est très limitée et, si je maintiens le point d'aboutissement, l'avion risque d'accélérer, ce qui peut devenir un problème sur piste courte avec remise de gaz interdite. Je pourrais choisir de faire une approche plus plate, avec plus de régime moteur pour corriger ce problème. Mais ce faisant, je me priverais d'une partie de la puissance moteur qui pourrait me permettre un retour sur le plan lors d'une dégueulante, me faisant risquer cette fois-ci un atterrissage trop court, avec potentiellement des conséquences bien plus catastrophiques qu'un atterrissage trop long.

Vous l'avez compris, on ne touchera pas à la puissance installée, mais on peut élargir la plage, comme sur les planeurs, en augmentant les capacités de freinage permettant l'adoption d'un plan plus fort en finale. En faisant cela, on s'éloigne des deux risques mentionnés plus haut, en ayant en tête que si l'on fait face à une perte d’énergie, il faudra mettre des gaz et peut-être rentrer l'aérofrein.

 


Donc contrairement au planeur qui n'a qu'une « manette de gaz », nous en avons deux, avec une gestion en deux temps type « remise de gaz » (plein gaz, rentrée des volets) familière au pilote lambda pour les grosses corrections.


En remarque, je rappelle que le maintien d'un plan de 3° est enseigné dans la formation montagne et qu'il n'est pas prévu à ma connaissance une adaptation opportuniste du plan en finale. La raison en est simple. La formation doit enseigner une méthode relativement simple, reproductible, qui fonctionne bien ( toujours le même repère pare-brise), avec des machines dédiées à la montagne qui ne soient pas trop limitées sur les terrains envisagés. Après, il est facile de comprendre que plus l'expertise et le niveau d'entrainement du pilote sont grands, plus il pourra se frotter à des terrains limitatifs en sortant un peu des gammes qu'il a rabaché en formation. Il le fera en affinant la structure de son approche, dans le but de retrouver des marges.

Donc, contrairement à l'aviation commerciale qui a pour objectif premier la sécurité maximale avec des pilotes interchangeables nécessitant une standardisation poussée des procédures, nous sommes, dans notre activité montagne, à la recherche de l'exercice d'un « Art », valorisé par une expertise poussée du pilote et permettant un niveau de sécurité raisonnable.


Les besoins.

Vu les possibilités physiques limitées qui nous sont offertes, emplacement, surface possible de l'aérofrein, je dirais que nous allons prendre tout ce qui est possible de prendre et rechercher l'efficacité maximale, c'est à dire un braquage maximum de 90°, si cela est compatible avec les contraintes structurales, ce que nous allons étudier.



La prochaine partie nous permettra d'évaluer théoriquement l'efficacité d'un tel aérofrein par ses effets sur la pente du Jojo, ainsi que son impact sur la vitesse de décrochage et d'approche.


Merci de votre attention.



21 novembre.

Carénages de roues.

 J’ai fait un support de caméra pour filmer le carénage actuel avec des brins de laine et mettre en évidence le fait qu'il n'est pas aligné dans l'écoulement général sous l'intrados de l'aile en vitesse de croisière.Même si j'ai déjà anticipé cette quasi certitude en dessinant les nouveaux carénages, il convient quand même d'être sûr, ne serait-ce que pour la rigueur scientifique que nous essayons de nous imposer.


CNRA

 Sinon, nous avons enfin rendez-vous avec l’OSAC après demain, pour une nouvelle visite du Jojo. Cela devrait déboucher sur un certificat provisoire nous permettant de réaliser 5 h de vol et 15 atterrissages qui sont les contraintes administratives imposées pour le renouvellement. En conclusion préliminaire je dirais que l’administratif nous aura fait perdre plus de temps que le technique, qui avait été rondement mené par la DSAC. Mais est-ce bien étonnant ?



24 novembre.

CNRA

 La visite de l’inspecteur s'est plutôt bien passée hier. Des bricoles nous sont demandées, mettre en harmonie le programme d'entretien avec les nouveaux équipements et modifications. Egalement repeindre la manette de commande du volet de capot en une autre couleur que le rouge réservé à la richesse. Tout cela a été promptement réalisé aujourd'hui, nous attendons maintenant notre laisser passer avec patience.

 



11 commentaires:

  1. Bravo pour la promotion avec ou sans aérofrein…

    RépondreSupprimer
  2. Curieux de connaitre les inter-réactions entre volets de courbure et aérofrein !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, peut-être pas si facile à mettre en évidence. Il faut s’attendre à un couple piqueur comme pour les volets. Avec le braquage adéquat de l’aérofrein cela finit la continuité entre les volets, ce qui va bloquer le contournement latéral du flux d’air en bordure intérieure des volets (flux dévié sous le fuselage). Donc j’imagine que ça va augmenter l’effet des volets déjà présents en plus de l’effet du seul aérofrein/volet d’intrados. Merci pour le commentaire.

      Supprimer
  3. bravo pour ce nouveau Job ! et pour cet article bien intéressant surtout pour les montagnards , en effet.... c'est pas toujours facile 😉

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Content que le sujet vous intéresse et qu’on se gratte un peu la tête, n’est-ce pas là l’essentiel.

      Supprimer
  4. Concernant le plan en final en vol montagne, ce qui est enseigné n est il pas plutot l approche a mi puissance?
    J ai souvenir de placer l avion en altitude, conf et vitesse d approche, et de constater le vario plein reduit et plein gaz.
    En D140R, c etait -1000 et + 200 ft/mn. Et donc un vario de -400 ft/mn. a 110 km/h, ca faisait un peu plus que 3°, ce qui etait agreable car ca degage des obstacles en entree de piste, et ca permet d etre plus precis.

    Mais le Jojo n ayant sans doute pas les grands volets a 3 position du D140R, la meme demarche doit donner une approche plus plate.

    L AF devrait tres significativement changer vos approches!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous avez certainement raison, c'est aussi pour ça que le D140 est bien adapté à la montagne. Le Jojo n'a pas une plage aussi large malgré nos larges volets à 5 positions, signe que le problème que nous tentons de résoudre n'est pas nouveau:
      -3,4°
      6,8°
      21,8°
      28,4°
      31,8°
      Malgré le dernier cran, nous ne pouvons atteindre 1000 ft/mn (5 m/s) tout réduit. Vous me faites penser que je n'ai pas mesuré ces valeurs et qu'il serait souhaitable de le faire par temps calme. Je le rajoute sur la liste des trucs à faire :)
      D'un point de vue de pilote, je sais juste que, bien souvent, je suis obligé d'approcher sur un plan plus faible que je le souhaiterais.
      Merci du commentaire.

      Supprimer
  5. Les volets du d140 sont braquées à 43°. Est ce que vous avez évalué la possibilité de plus braquer les volets existants ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui nous l’avons évalué, mais nous ne l’avons pas retenu pour cause de turbulences ressenties comme inacceptables dans la profondeur aux grands angles.

      Supprimer