Décembre 2022 - Dossier aérofrein P3

 5 décembre.

La suite du dossier aérofrein pour Jojo.

DOSSIER TECHNIQUE 

Volet/aérofrein ventral pour Jojo (partie 3)

Quelle efficacité pour un aérofrein ?

 Après avoir montré les avantages d'un aérofrein sur une machine fine et peu motorisée dans un environnement de montagne, nous allons étudier l'aspect quantitatif et rentrer un peu dans les calculs d'efficacité.
 Nous devrons répondre à la question : quelle traînée supplémentaire pour obtenir 1% de pente en plus ?
 La question suivante sera : quelle surface et quel braquage d'aérofrein pour obtenir la traînée souhaitée ?

 Je rappelle que le type d'aérofrein choisi pour notre Jojo est du type volet d'intrados ventral, permettant bien sûr de générer de la traînée comme un spoiler, mais aussi de la portance, qui autorisera à réduire un peu la vitesse d'approche et de plus facilement aborder les pistes courtes.


Relation traînée/masse/pente.

 Prenons l'exemple d'un avion moteur réduit qui descend en vol plané. Si le pilote maintien la vitesse constante avec la commande de profondeur, en air calme, l'avion aura un mouvement rectiligne uniforme et descendra sur une pente constante, correspondante à la finesse de cet avion à cette vitesse et à sa masse. Par exemple, une finesse de f=15 correspond à 15 mètres parcourus horizontalement pour chaque mètre de hauteur perdu.  α% = 1/f = 6,7 % est la pente à cette finesse.
 Dans ce mouvement, il s'opère un transfert d'énergie potentielle, liée à la hauteur, en énergie de frottement de façon à maintenir la vitesse constante.

 L'énergie potentielle Ep = m.g.z  
avec m la masse en kg, g l'accélération de la pesanteur de 9,81 m/s² et z hauteur en m.

 L'énergie de frottement est le produit de la force de traînée D (drag) et du déplacement sur trajectoire x en m. Ef = D.x

On a donc m.g.z = D.x  d'un point de la trajectoire à un autre.

 Ce transfert d'énergie s'effectuant en continu, on peut alors affirmer que la puissance fournie est égale à la puissance absorbée, en remplaçant les déplacements par les vitesses associées dans l'égalité précédente.

 On écrit alors     m.g.Vz = D.Vt


avec Vz taux de chute en m/s et Vt vitesse sur trajectoire (assimilée à la vitesse horizontale) en m/s

 Pour rappel, la puissance n'est autre qu'une énergie par unité de temps et s'exprime en watts W ou en joules par secondes J/s


  Sur le schéma ci-dessus, on réalise facilement que la pente de descente α = Vz/Vt en %.
 La dernière équation nous permet d'écrire :

                       D/(m.g) = Vz/Vt = α% = 1/f 

 

  On constate sans étonnement que la pente de descente est proportionnelle à la traînée D, mais elle est aussi inversement proportionnelle au poids (m.g) de l'appareil, c'est à dire qu'il est plus difficile de descendre un avion lourd rapidement que le même plus léger. C'est peut-être moins intuitif, mais je le constate tous les jours sur mon Airbus où le chargement et la quantité de carburant à l'arrivée peuvent être très variables.


Quelle traînée supplémentaire pour 1% (0,6°) de pente en plus ?

  Nous venons de voir que α% = D/(m.g)

Ajoutons 1% à chaque membre de l'égalité qui s'écrit maintenant :

α% + 1% = D/(m.g) + 0,01 = (D + 0,01.m.g) /(m.g)

  On voit donc que pour obtenir 1% (ou 0,6°) de pente supplémentaire, nous devons créer une traînée supplémentaire d'intensité égale à 1% du poids de l'avion.

Exemple du Jojo à la masse montagne de 700 kg : 

  Le poids est d'environ 7000 N, en arrondissant g à 10 m/s². 1 % de pente supplémentaire sera obtenu en générant une traînée de 70 N (7 kgf), pour 2% une traînée de 140 N, pour 3% une traînée de 210 N, etc...


Relation entre intensité de freinage et caractéristiques de l'aérofrein?

  Nous allons illustrer cette partie en se servant encore une fois de l'exemple de notre Jojo et de ses contraintes propres. Ces contraintes sont les suivantes. La surface de l'aérofrein/volet d'intrados, compte tenu de la largeur disponible et des contraintes géométriques liées à la position de la charnière, nous donne une valeur de Sa = 0,28 m² (Sa = surface de l'aérofrein). La vitesse en approche est d'environ 100 km/h, soit 28 m/s.

  L'équation classique de la traînée Da de l'aérofrein seul s'écrit :

 

                       Da = ½.ρ.Sa.Cxa.Vt² 


  Dans cette égalité la masse volumique de l'air ρ dépend de l'altitude et la vitesse Vt est la vitesse air. Mais en pratique le produit ρ.Vt² reste lui constant quelle que soit l'altitude, quand on approche à Vi = constante. On peut donc choisir la valeur de ρ = 1,225 kg/m³ (valeur au niveau de la mer) à condition que Vt soit la vitesse indiquée (qui est égale la vitesse vraie au niveau de la mer), ce qui nous arrange. On considère bien sûr qu'il n'y a pas d'erreur instrumentale, sinon on a pas fini.

 

  Revenons à notre équation de la traînée. Nous pouvons l'adapter et la simplifier pour notre Jojo en donnant leurs valeurs numériques aux variables connues. On obtient :

                        Da = 134.Cxa  


 Uniquement valable en approche à 100 km/h.

  Cette égalité permet donc de lier intensité de freinage (en Newtons) au coefficient de traînée de l'aérofrein (sans dimension).

  Si l'on reprend la valeur de 70 N de traînée permettant 1% de pente supplémentaire, nous devons obtenir les Cxa suivants :



1,00%

2,00%

3,00%

4,00%

Da (N)

70

140

210

280

Cxa

0,5

1

1,6

2,1


  Je m'arrête volontairement à un Cxa de 2,1 car nous verrons dans le prochain chapitre qu'on ne peut guère espérer plus s'agissant d'un aérofrein spoiler (sans vouloir spoiler :)


Coefficient de traînée d'un aérofrein type spoiler.

  J'ai fait quelques recherches sur internet et je dois dire qu'il est difficile de trouver des données exploitables, c'est à dire d'obtenir des valeurs de Cx qui prennent comme référence la surface du spoiler et non la surface de l'avion dans son ensemble, ce qui change évidemment tout. Mais j'ai trouvé quelques trucs intéressants, ce qui va permettre de dégager des ordres de grandeur.

  Tout d'abord je vais faire référence à l'ouvrage d'Hoerner Fluid- Dynamic Drag dans lequel on trouve les Cx (Cd en anglais) de quelques formes simples. Dans la figure ci-contre, la colonne de gauche concerne des éléments 3D qui sont contournés par le fluide tout autour, comme pour une boule ou un cube. La colonne de droite concerne des éléments en 2D, qui sont des barres placées entre murs parallèles, avec un profil particulier.

  Celui qui se rapproche le plus de notre recherche d'un spoiler braqué à 90° est celui annoté en rouge. Ce n'est pas exactement notre configuration qui n'a qu'un seul coté d'échappement du fluide, le spoiler étant attaché au fuselage, lui-même parallèle à l'écoulement. On constate aussi que les objets 2D traînent plus que les objets 3D de même forme, rapporté à leur surface frontale, traduisant les options plus nombreuses de contournement du fluide des modèles 3D.

  Notre spoiler, si l'on suit cette idée, offre moins de contournement que la plaque rectangulaire allongée présentée. On peut donc s'attendre à un Cx supérieur à 2. Mais c'est un peu mince pour conclure, même si l'on commence à avoir un ordre de grandeur.

  J'ai ensuite trouvé un mémoire de fin d'étude qui nous vient d'Algérie de B.Benameur et D.Berraj (lien), qui ont fait des mesures expérimentales d'efficacité des spoilers sur des maquettes en soufflerie. J'ai pu avec les données fournies (surface des spoilers, différents braquages et valeurs de trainée globale de l'aile équipée), extraire les données qui m’intéresse, c'est à dire le coefficient de trainée d'un spoiler seul déployé d'une surface plane. Merci à eux.


 Des courbes ont retenu mon attention qui fournissent le Cx de leur maquette pour différents braquages de spoilers en faisant évoluer l'incidence du profil. Je n'ai retenu que les valeurs de Cx pour l'incidence nulle pour établir de nouvelles courbes donnant le Cx en fonction du braquage et pour une incidence nulle constatant une certaine stabilité du Cx jusqu'à une incidence de 5°.

  Sur les courbes ci-contre, on constate une forte augmentation du Cx profil suggérant un décrochage de l'aile au-delà de 5° d'incidence, lié à la position en extrados des spoilers. Pas de décrochage à craindre dans notre cas, le spoiler étant ventral et l'incidence négative.

  On considèrera donc pour notre étude que le Cx de notre spoiler est peu sensible à l'incidence du fuselage.

  Ces valeurs de Cx sont indiquées pour la surface de référence de la maquette, c'est à dire 450 cm². Le Cx que je recherche doit avoir comme référence la surface totale des 3 spoilers qui est de 57 cm². Ce dernier est donc « amplifié » du rapport de surface 450/57 = 8.

  Par ailleurs, le Cx pour ß = 0 sera considéré nul pour le spoiler, car c'est celui mesuré pour le profil complet avec aérofreins rentrés. On retranchera alors cette valeur, attribuée au profil d'aile seul, à celles mesurées pour les différents braquages ß.

 

  Sur la courbe du haut de la figure 1, j'ai tracé les valeurs de Cx obtenues en fonction du braquage ß. On y constate un Cx maximum de 2,5 pour ß = 90°, qui nous rappelle l'ordre de grandeur de la barre expérimentale d'Hoerner.

  Pour la suite nous négligerons les forces de frottement sur le spoiler, les forces de pression étant prédominantes, ce qui nous permet à partir de la traînée Fx de calculer géométriquement la force totale F qui s'exerce sur le spoiler perpendiculairement à sa surface (Figure 2), ainsi que la portance Fz qui s'exerce verticalement.


Note : les forces de pression s'exercent perpendiculairement à la surface, alors que les forces de frottement s'exercent parallèlement.


  Les intensités des forces sur les différents axes sont proportionnelles aux différents coefficients comme le montre la formule de traînée :

                   F(x)( )(z) = ½ ρ.S.C(x)( )(z).V² 


  Le coefficient C sans indice est le coefficient de la force qui s'exerce sur le spoiler et qui est perpendiculaire à la surface de celui-ci.

En appliquant les formules trigonométriques simples de la figure 2, j'ai dessiné en noir les deux autres courbes de la figure 1, c'est à dire C = f(ß) et Cz = f(ß).

  Anticipant mes besoins pour la future feuille de calcul, j'ai recherché la fonction polynôme du second ordre se rapprochant le plus des points expérimentaux de C = f(ß). La courbes en rouge traduit cette fonctions sur la figure 1.


Nombre de Reynolds, effet d'échelle.

Le rapport entre les conditions de l'expérience et notre cas réel donne un Reynolds multiplié par 7,5 ce qui n'est finalement pas si éloigné quand on sait que le nombre de Reynolds se lit le plus souvent sur papier logarithmique. On considèrera, faute de mieux, qu'il n'y a pas trop d'effets d'échelle sur ces résultats.

 

Peut-on calculer la portance générée par le spoiler/volet d'intrados ?

  Au chapitre précédent nous avons dessiné une belle courbe Cz = f(ß) qui semble répondre à la question. Vous aurez remarqué qu'à partir de ß = 50°, la portance transmise par le volet diminue pour finalement tomber à 0 lorsque le braquage atteint 90°. C'est parfaitement normal, car encore une fois, la force de l'air s'exerce perpendiculairement au volet. Pourtant, un volet d'intrados, même braqué à 90°, génère de la portance. Le Spitfire en est doté avec cette même capacité de braquage.

  La raison en est assez simple. Le volet n'est pas tout seul et des surfaces horizontales existent en amont qui sont mises en pression.

  Une autre façon d'appréhender le phénomène consiste à réaliser que le flux d'air est dévié vers le bas et que de la portance est obligatoirement produite par réaction à ce mouvement.


 Sur la figure ci-contre, honteusement pompée dans la Thèse de X. Bertrand et adaptée par mes soins, on constate un pic de pression au niveau de la charnière d'un spoiler d'A320. Plus le braquage est important et plus ce pic est important. La surface d'aile en amont immédiat du spoiler subit donc une surpression qui dans notre cas (spoiler inversé) va produire la portance. On constate aussi qu'au bord de fuite du spoiler ainsi qu'en aval, la zone est en dépression, cette fois générant une déportance.

  Le bilan global reste néanmoins positif pour la portance produite et l'expérience indique qu'au delà de 50° environ de braquage, la portance n'augmente plus et est sensiblement constante, contrairement à la traînée qui continue d'augmenter.

  En conclusion, je ne peux pas calculer une portance en connaissant seulement les efforts sur le spoiler à cause du champ de pression qui influence les surface horizontales alentour. Il n'y a, par contre, pas de surface obliques ou verticales autres que celle du spoiler, ce qui me permet de calculer la traînée de pression sans avoir à faire intervenir une influence des autres parties de la structure environnante.

  On peut néanmoins se risquer à quelques calculs approchants cette valeur de portance en faisant référence aux effets connus, mais approximatifs, des différents types de volets.

  Le site l'avionnaire indique +67% de portance pour des volets d'intrados de grande surface. On peut faire un calcul de coin de table en évaluant de façon prudente un delta Cz de +40%, notre volet n'ayant une corde relative à la corde de l'aile que de 13%.

  Le Cz en approche de notre Jojo à l'emplanture est d'environ 1,2. On peut donc espérer un delta Cz de +0,5 qui va générer la portance suivante :

Δfz = ½.ρ.S.ΔCz.V²

La surface de l'équivalent voilure concerné est de 1x1,71 = 1,71 m² et V = 28 m/s

Il vient Δfz = 410 N

  Dans une autre de mes études, j'avais conclu que la vitesse d'approche était modifiée de 1 km/h pour 15 kg de masse avion.

  On peut donc conclure que l'effet d'allègement du volet central doit permettre de diminuer la vitesse d'approche de 2 à 3 km/h environ. Tout cela est très approximatif, mais mon but ici est de faire sortir des ordres de grandeur qu'il conviendra de confirmer par des essais en vol.

 

Efforts sur le volet pour différentes vitesses et braquages.

Maintenant que nous avons une approximation des différents coefficients aérodynamiques, se pose la question des efforts réels que va subir le spoiler de surface S = 0,28 m², afin de pouvoir le dimensionner correctement avec de bonnes marges structurales. Le coefficient C (sans indice) va nous permettre de le faire. Il est admis dans la littérature (et aussi dans la norme AIR2052) que l'effort aérodynamique résultant s'applique à 44% de la corde du volet, ce qui est cohérent avec le champ de pression vu précédemment.

Sur l'extrait de la AIR 2052 ci-dessous, concernant les charges limites moyennes sur les gouvernes, on constate pour les volets une répartition d'efforts linéaire selon la corde, avec un effort double à la charnière par rapport au bord de fuite. Un petit calcul d'intégrale permet de situer l'effort global appliqué à 44% de la corde du volet.

 

  Voici un tableau fournissant cet effort en kgf pour différents couples braquage/vitesse, ainsi que la pente supplémentaire obtenue à la masse avion de 700 kg pour notre Jojo.

Valeurs obtenues grâce aux équations :

     F = ½ ρ.S.C.V²

et C = 6,94.10^-5 .ß² + 2,15.10^-2. ß


 Efforts perpendiculaire au spoiler exprimé en kgf (plus parlant que N).


  Nous remarquons que ces efforts peuvent devenir très importants, voire trop importants et si je veux disposer d'un aérofrein « toutes vitesses » sans trop me poser de questions pour son utilisation, la nécessité d'une régulation est évidente. J'ai déjà évoqué dans ce dossier cette régulation prévisible en suggérant une limitation passive sous la forme d'un ressort en série dans la chaîne de commande qui aurait l'avantage d'être simple et fiable en même temps. L'idée, avec un verin électrique commandable en position, est de laisser le spoiler se braquer à un angle qui correspond à un effort et donc à un accroissement de pente défini par la composante horizontale de cet effort. On aurait donc une commande électrique à plusieurs positions, non pas graduée en braquage, mais plutôt en pente supplémentaire et cela quelle que soit la vitesse. Avouez que ça aurait de la gueule. Le delta de pente obtenu pour le braquage maximum de 90° à basse vitesse est d'environ 5%, ce qui permet de doubler la pente d'approche finale avec le même régime moteur, ou toute configuration intermédiaire. Si l'on s'arrange ensuite pour conserver ces 5% maximum pour des vitesses plus élévées, on limite l'effort sur le volet à environ 35 kgf, ce qui, à vu de pif, semble raisonnable.


Récapitulons.

  Nous venons de voir qu'il existait une relation simple entre la traînée produite par un aérofrein et le poids de l'avion pour obtenir un accroissement de pente de descente. Cette pente est donnée par le rapport traînée/poids.

  Nous avons ensuite recherché quelle traînée pouvait produire un aérofrein de type spoiler en fonction de sa surface et de son braquage. Pour cela nous nous sommes appuyé sur les résultats expérimentaux en soufflerie d'une équipe d'étudiants.

  Nous nous sommes servi de la norme AIR 2052 pour déterminer le point d'application (en % de corde) de la résultante globale sur le volet/spoiler.

  Nous avons enfin mis en évidence la nécessité de limiter la charge sur le volet par un dispositif mécanique, dans l'optique d'un aérofrein « toutes vitesses », sans placard d'utilisation.

  Nous avons bien conscience de l'imprécision des résultats obtenus qui sont le résultat d'hypothèses documentées, mais qui nécessiteront des essais grandeur nature et des mesures. Cette étude permet de dégrossir le sujet, afin de réaliser un prototype qui pourra évoluer en fonction des données accumulées.


  L'étape suivante de ce dossier va consister à créer l'outil mathématique qui va simuler le fonctionnement du spoiler et de sa chaîne de commande, nous permettant ainsi de faire des choix éclairés de résistance du spoiler et de sa charnière, de raideur du ressort, de puissance et de course du vérin électrique en explorant tout le domaine de vol.


  Merci de votre attention.

  


27 décembre.

Retour en vol.

 Quel bonheur ce matin, le père et moi nous étions au hangar pour notre premier vol avec le SPEEDJOJO depuis avril de cette année, soit 8 mois d'arrêt, une éternité!

 Pas question pour autant d'oublier les bonnes habitudes et ce premier vol contenait son lot de choses techniques à vérifier pour la poursuite de l'aventure.

 Je vous en avais parlé et j'avais préparé le matériel vidéo avec son support dédié, nous avions l'intention d'observer des brins de laine sur une des carènes de roue, pour mettre en évidence l'orientation supposément inadéquate du carénage par rapport à l'écoulement d'air. Donc nous avons pris un peu de temps pour installer la caméra et coller quelques brins de laine.



 Mise en route, puis on a laisser chauffer un bon moment en alternant les réservoirs pour l'alimentation carburant. L'avion n'ayant pas volé depuis longtemps (et nous non plus), on a vraiment pris le temps de tout vérifier. 

 Le laisser passer provisoire dont nous disposons doit nous permettre de faire les 15 atterrissages et 5 heures de vol que l'administration nous réclame. On est donc bien dans l'établissement d'un nouveau CNRA, contrairement à ce qu'on nous avait laisser croire il y a quelques mois, mais sans obligation d'immatriculer en W. Il faut donc faire quelques mesures pour établir la fiche, et notamment la distance de décollage et d'atterrissage. Pour l'établissement du premier CNRA du Jojo en 1993, Papa s'était contenté de reporter celles du manuel de vol officiel, sans autre vérification. De toutes façons, c'est déclaratif et le fonctionnaire de la DGAC ne va pas prendre le risque de monter dans un avion d'amateur pour vérifier. Mais je me suis dit que c'était l'occasion pour mesurer ces grandeurs avec une bonne précision. J'ai cherché d'abord dans les nombreuses applications disponibles pour smartphone, mais c'est peu adapté et pas assez précis pour les mesures que nous voulons faire. Et puis, un peu par hasard j'en ai parlé à un copain qui fait du base jump et qui m'a conseillé un dispositif complètement autonome avec lequel il saute et qui enregistre  sa trajectoire exacte (quasiment au mètre près), vitesse, accélération, altitude avec un échantillonnage à 0,2 sec et qui lui permet de dessiner de belles courbes de ses sauts. Un logiciel permet ensuite de traiter les données et de calculer des finesses, ce qui a bien sûr attiré mon attention pour la suite de nos études. Je me suis donc fait un petit cadeau de noël en commandant le bidule qui était dans l'avion ce matin, j'en reparle un peu plus loin.


 La suite est sans histoire, deux tours de piste en air calme pour commencer, puis nous avons poussé jusqu'à la verticale de Cipières, fermé, mais en parfait état. Il reste ouvert pour les ULM basés, le propriétaire semble s'être adouci, à moins que le projet de champ photovoltaïque ne soit tombé à l'eau. Ensuite, retour, nous n'avons pas dépassé 180 km/h à cause du support caméra jugé perfectible et que Papa voudrait modifier pour aller plus vite. Petite mesure de finesse au chrono, moteur réduit et 120 km/h sur le retour. J'avais oublié les volets de capot en position ouvert et le support et sa caméra n'amélioraient pas la trainée non plus, mais nous avons mesuré sur 3 tranches de 500 ft, exactement la même chose. Pente de 7,7% et donc une finesse de 13 à la masse de 670 kg. Cohérent avec nos précédentes mesures.

 De retour à la maison, j'avais hâte de dépouiller les enregistrements.

 D'abord la vidéo, qui nous a appris pleins de choses.

 Nous avons découvert un nid à traînée que nous n'avions pas trop soupçonné jusque là. Une belle interaction négative entre le pantalon de la jambe de train et le carénage de roue est mise en évidence par une turbulence sur le bord de fuite du pantalon à la jonction. La recompression est vraisemblablement trop forte pour que les filets d'air restent collés. J'en tiendrai compte en ajoutant du volume sur mon prochain carénage.


 Concernant l'orientation, j'ai extrait 3 photos des vidéos à différentes vitesses.

 En faisant du mieux que je pouvais pour mesurer les angles et en me basant sur les lignes bleues qui correspondent à un écoulement dans l'axe de la carène, il convient de constater que la carène est bien alignée face aux filets d'air pour la vitesse d'approche de 100 km/h, mais ce n'est plus le cas à 150 km/h et encore moins à 180 où le carénage est soufflé par le dessus.

 C'est donc a priori encore pire en vitesse de croisière supérieure.

 Il y a donc bien un potentiel de réduction de la trainée des carénages de roue non négligeable si on y ajoute l’infâme turbulence d'interaction.

 

 

 

 Nous ferons néanmoins un vol en vitesse maxi dès que le support caméra sera modifié pour documenter complètement ce sujet.






 Parlons un peu maintenant de ce merveilleux petit dispositif. Je dis bien merveilleux, parce que je suis bluffé par ce produit de FlySight. Très facile d'utilisation, il se met à enregistrer dès qu'on le met en route et qu'il reçoit suffisamment de satellites (quelques secondes). Un seul interrupteur et un voyant qui clignote pour indiquer qu'il enregistre. Les fichiers sont classés par dates et heures et peuvent ensuite être importés dans le programme dédié. Choisir les unités de mesures et les grandeurs affichées sur le graphe. Les données sont en CSV (Comma Separated Values) très courant et importables dans Excel si besoin.

 Ici le décollage de ce matin. En abscisse la distance et en ordonnée différentes grandeurs: en rouge la vitesse, en marron l'accélération et en noir l'altitude.

 Nous avons passé les 15 mètres après 410 m de course au décollage. Les données manquantes sont 3 kt arrière de vent, masse 680 kg, QNH 1025 et Température 12°.

 Si un jour on a enfin notre hélice E-Props, on a l'outil parfait pour faire des comparaisons.

 Enfin, notez l'accélération qui évolue de 2.2 à 1.5 m/s2 pendant la course au sol, qui ne valide pas vraiment l'hypothèse du modèle de décollage à accélération constante de l'oncle Jean-Claude.

 Voici, en fin de vol, les perfos atterrissage, auxquelles j'ai ajouté quelques commentaires car les légendes sont écrites en trop petit. J'ai ajouté , puisqu'elle est disponible, la pente (courbe en violet


 J'ai effectué un freinage modéré (-1,2 m/s^2) après une approche à 90 km/h et un touché à 85 km/h. La décélération naturelle sans freinage est d'environ -0,6 m/s^2.


 Prochain vol jeudi matin !


29 décembre.

Vol d'essai.

 La météo était moins bonne ce matin, mais suffisante pour ce que nous avions à faire. Nous avons réinstallé le support caméra et ajouté quelques brins de laine pour les essais haute vitesse de soufflage de la carène de roue.


 Bientôt nous irons également voir ce qu'il se passe de l'autre coté. Je pensais que c'était superflu, mais le père insiste. Pour cela, il va rapidement faire un support caméra qui sera visé sur la carène du train gauche.

 Encore un vol d'une heure sans histoires, avec des tours de piste et une petite sortie de la CTR vers St Tropez pour faire un run plein pot à 500 ft mer et faire nos images.

 Sans surprise on constate que l'angle augmente encore à mesure que l'incidence de l'aile diminue.

 

 

  En regardant attentivement sur la vidéo, on peut discerner la transition laminaire/turbulent avec une transition plus précoce en partie basse. Il peut y avoir deux raisons à cela. D'abord la proximité de la roue qui peut perturber l'écoulement. Mais constatons que le carénage est "en incidence" négative, et comme pour une aile qui approcherait le décrochage, la recompression du coté bord de fuite, en partie basse de carène, est plus difficile.


 On voit aussi que l'orientation des brins de l'avant vers l'arrière, décrit une courbe qui imite celle de l'intrados de l'aile juste au-dessus. D'où la forme un peu bananée que je vais donner aux nouvelles carènes, pour qu'elles ne soient plus en incidence en vitesse de croisière.




 J'en profite pour vous montrer le dépouillement des données du premier décollage.



 Nous sommes ici plus lourd de 20 kg qu'il y a deux jours et les conditions sont sensiblement les mêmes avec une petite composante arrière de vent. L'effet masse produit une accélération plus faible, et le décollage intervient à 280 m soit 30 m de plus. Le passage des 15 m a lieu à 428 m au lieu de 410 m. Ça devrait logiquement être un peu plus, mais en regardant la vitesse qui s'écroule un peu après le décollage, après la bonne cadence de rotation du père (je balance), ceci explique qu'une partie de l'énergie cinétique a été transformée en énergie potentielle. Je n'ai pas vu cette chute de vitesse sur l'anémo, j'étais pourtant attentif et comme l'enregistrement donne des vitesses sol, il est probable que nous ayons subi un gradient positif de vent.

 Bon, tout ceci est bien cohérent et c'est bien ça l'essentiel.

 Je pars passer le réveillon du nouvel an à Santiago du Chili, retour mardi prochain et nous avons prévu un vol mercredi avec le père.

14 commentaires:

  1. Merci de partager, de nous faire profiter de l'ensemble des références de calcul sur un seul doc.

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  2. Bonjour Fred. Comment tu estimes un Cz de 0,5 à partir de celui à l'emplanture de 1,2 et de l'effet des volets de courbure ?
    Par ailleurs entre l'angle d'application de la force du ressort et la non linéarité de l'effet du spoiler je suis curieux de savoir comment tu vas t'en sortir sur tes 35kg...
    Enfin il y a un type de jodel sur lequel ça a été fait mais je ne me rappelle plus lequel...
    Amitiés
    Bruno

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    1. C’est très approximatif, mais 1,2 x 40% = 0,5. Par ailleurs quand on braque le volet, mettons à 40 degrés pour un volet de corde 30 cm sur un profil de corde 1,71 m, on augmente mécaniquement l’incidence du profil sur cette portion de 6,5 degrés. Pour le jojo Cz/i = 0,077. On obtient delta Cz = 6,5 x 0,077 = 0,5

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  3. Olá Cousin.
    J'ai retrouvé le logger GPS qui te conviendrais pour les courbes de deco:
    http://www.flysight.ca/

    Encoi moi un mail et Julien si t'es par là encoi aussi un.mail qu'on ai l'adresse de notre nouveau voisin suisse :-)

    Bons vols !

    Boubou : jm(AT)base-jump.org

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  4. alors, çà y est ? les 5 heures ont été faites et il vole de nouveau en CNRA ce speedjojo ? Petite question : il vous a été demandé de repasser en F-W ? (çà ne serait pas grave, il suffit d'aimer le whisky ... mais au sol)

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    1. A non, pas encore volé, on avait de petits travaux de remise en état d’un tuyaux d’essence qui fuyait sûrement pour cause de séchage lié au fait que l’avion ne vole plus depuis des mois. Bref, on a tout changé par précaution. Mais maintenant tout est ok, peut-être un vol avant la fin d’année.
      Non, pas de W demandé.

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  5. Toujours intéressant vos retours de mesure.
    Mais le flysight, rassurez-moi, il n'effectue pas ses mesures la base de la position GPS uniquement? J'ai fait quelques surimpressions de données récoltées de notre Garmin G5 dans une vidéo Youtube si besoin. Dans les nouvelles GoPro il y a aussi des accéléromètres intégrés et possibilités de les récupérer si jamais. Votre EFIS doit également logger toutes ces données j'imagine.
    Au plaisir de continuer à suivre vos aventures!

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    1. Non en effet, il y a aussi des accéléromètres à l’intérieur. Il y a sûrement une autre façon de faire mais j’ai été séduit par la simplicité d’utilisation. Merci du commentaire

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  6. Très bonne observation au départ avec une bonne intuition confirmée par les essais sur l'aérodynamique du carénage de roues. Ce point est très rarement remis en question et il y a manifestement un axe important d'amélioration. Je suis impressionné.

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    1. C’est vrai que si certaines choses paraissent logiques, c’est quand même mieux de le constater visuellement. Merci pour ton commentaire encourageant.

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  7. Bonne année à toute la famille et merci de continuer à nous faire rêver et à nous faire faire des progrès en partageant vos expériences. La santé, plein de beaux vols (en sécurité) et d'améliorations pour le speedjojo pour cette nouvelle année !

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    1. Merci Bruno, bonne année à toi également et ceux qui t’ entourent. Que la passion nous guide !

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