1er avril.
Fin des modifs carénages.Quatre gros poissons d'avril au séchage après les opérations de peinture de ce matin. La prochaine étape est le remontage d'une des nouvelles carènes à droite, d'y badigeonner copieusement de l'huile de vidange et d'aller faire un tour de piste filmé pour observer l'étendue de l'écoulement laminaire. On va essayer cette semaine. Ensuite nous mesurerons les courbures et orientations des carénages pour nos lecteurs intéressés.
Carénage de silencieux.
Auquel je pense déjà, j'ai pris quelques côtes vite fait sur l'avion pour pouvoir fabriquer un moule mâle perdu. Je ne vais donc pas mouler in situ comme je l'avais fait pour les raccords Karman de voilure qui demandaient une excellente précision, mais tranquillement à la maison en réalisant le moule à partir de mesures, quitte à ajuster sur place quand le gros du boulot sera fait.
Après les brins de laine, l'huile !
J'ai fait un saut au terrain ce matin, avec le projet de répandre de l'huile sale sur mon beau carénage et d'aller voler. 35 minutes de vol, avec une boucle en dehors de la CTR que j'ai tenté de maintenir à la vitesse indiquée de 200 km/h, pour que le schéma formé par l'huile ne soit pas trop pollué par les basses vitesses.
Je vous recommande la lecture préalable du dossier d'Inter-Action en cliquant sur l'image ci-contre (pdf).
Coté gauche.
Sur l'avant jusqu'au raccord de la partie arrière, je ne vois pas de transition laminaire/turbulent, qui normalement se traduit par un dégradé (donc de plus en plus foncé) juste avant une partie plus claire indiquant le passage en turbulent. Le film d'huile s'épaissit progressivement jusqu'au raccord. Le raccord, à mon avis, fait transiter la couche limite de laminaire à turbulent. Il existe un éclaircissement brutal à cet endroit. Je pense qu'une bonne partie de l'huile est néanmoins captée par le raccord et passe à l'intérieur, ce qui fausse un peu l'analyse. On note le décapage produit par la turbulence des têtes de vis. Cette photo est prise juste après le vol, mais on voit déjà les effets de la gravité sur le film, qui produit des petites gouttes orientées vers le bas. Observez aussi sur le cône arrière une espèce de ligne courbe foncée orientée vers le bas, qui est à la convergence de deux flux distincts et qui possiblement s'enroulent l'un avec l'autre dans une forme de trombe. Un des flux provient de l'extérieur en passant par le dessus du cône arrière, ce qui indique que malgré mes efforts pour redresser l'orientation du cône, c'est encore insuffisant pour que chaque flux reste chez lui. Ce n'est pas forcément très couteux en trainée, car les filets d'air se sont organisés et restent bien collés. La virgule en noir est une ligne de moindre vitesse qui prend sa racine au bord de fuite du pantalon. Il s'agit donc du sillage "d'eaux mortes" produit par le pantalon.
Concernant maintenant le pantalon, c'est beaucoup plus didactique. On voit très clairement la zone où se produit une accumulation indiquant une petite bulle laminaire avant la transition (voir les essais d'un étudiant sur un winglet de planeur dans le pdf d'Inter-Action). En bleu, à proximité de l'intrados de l'aile, le flux semble décoller et verser vers le bas. En arrière de cette zone, le flux semble très turbulent, avec la projection d'huile sur l'intrados (en vert). A ce stade il me semble qu'un petit raccord Karman serait le
bienvenu. Je n'avais pas exploré cet endroit avec les fils de laine et c'est un tord. Et pour éviter la bulle laminaire, on pourra utiliser un zig-zag autocollant comme indiqué en orange juste en amont de la bulle.
Coté droit.
Plus difficile à interpréter, à cause d'un certain nombre d'accidents de parcours. La trappe de gonflage en est un, mais on peut aussi distinguer une irrégularité de forme au niveau des travaux de repositionnement du cône avant juste en avant de la trappe, les boulons de fixation du carénage à l'avion, et puis bien sûr le raccord entre partie avant et arrière du carénage. Le pantalon présente le même dessin que de l'autre coté, avec la même zone décollée en triangle en partie haute. Tout au plus on note que l'huile a plus migré vers le bord de fuite que du coté gauche, ce qui suggère une vitesse supérieure et en ferait donc un extrados. Le pantalon serait donc en légère incidence.
Noter ici aussi le joli dessin des filets qui reviennent derrière le pneu grâce au jeu des volumes, avec un maitre couple du carénage en arrière du pneu.
Coté droit dans le bas, j'ai surligné les lignes de courant. Autour d'un corps fuselé, quand ça ralenti, les lignes se rapprochent et quand elles s'écartent ça accélère (dans une tube c'est l'inverse).
On voit qu'au passage de "l'obstacle pneu", la vitesse reste à peu près constante, voire diminue un peu jusqu'au premier boulon. La taille de guêpe du carénage fait que la section du carénage diminue à mesure que la section apparente du pneu augmente, d'où la vitesse à peu près constante, puis ça accélère derrière avec un mouvement vers le dessous à cause de l'augmentation de section du carénage qui surcompense la diminution de section apparente du pneu. L'idée, déjà développée dans ce blog, et de redonner de la vitesse en arrière du pneu qui est normalement le lieu d'une recompression (ralentissement) trop brutale pour que le flux ne décolle pas. Je ne pense pas pouvoir traiter le problème entièrement de cette manière, mais en tout cas je limite l'étendue du décollement couteux en trainée. J'aurais bien aimé pouvoir faire une photo du dessous, hélas je manque de dégagement.
Conclusions.
Et bien encore un peu de boulot, mais cette fois-ci sur le pantalon, auquel je vais adjoindre un raccord Karman coté voilure, a priori symétrique. Ça va, c'est assez facile à faire.Ensuite je pense ne pas échapper à un nouvel essai huile, en tentant de corriger les problèmes de captation d'huile par les raccords. Facile, je vais tout remonter en jointant les pièces au silicone de sanitaires pour que l'huile trouve son chemin dehors.
Enfin, mais j'aurais déjà pu le faire, je vais filmer tout ça en temps réel, ce qui nous évitera les effets de gravité sur le film d'huile et les pollutions engendrées par les vitesses avion trop faibles.
Le dossier n'est donc pas encore clos.
8 avril.
Analyse complémentaire.
Je digère encore les images de ce dernier vol, pour tenter d'en tirer le plus d'informations possibles et surtout de ne pas faire de mauvaises interprétations. A l'évidence, le sujet comporte de nombreuses possibilités de mal interpréter des dessins donc les formes visibles sont le résultat de plusieurs influences comme le frottement, la gravité, les effets d'inertie, les captation et la qualité de l'huile (viscosité, propreté, etc...) et je ne suis surement pas exhaustif dans cette liste. J'ai, en particulier, eu un regard plus précis sur ce qu'il se passe sur le pantalon et sa jonction côté voilure.
En zoomant sur le pantalon on a l'explication sur le fait que la bulle laminaire est interrompue à divers endroits. En observant avec attention, on découvre des saletés présentes dans l'huile qui agissent comme des turbulateurs de petite taille qui font transiter la couche limite de laminaire à turbulente. Ensuite, la zone turbulente (en clair) contamine progressivement en s'élargissant les filets d'air laminaires adjacents (en vert). La laminarité est essentiellement un phénomène fragile, caractérisé par son instabilité plus marquée à mesure qu'on s'éloigne du bord d'attaque. Ce qui veut dire qu'à proximité du bord d'attaque, le flux laminaire, qui a encore beaucoup d’énergie, est capable de rester laminaire en circulant sur de petits défauts. C'est de moins en moins vrai quand on s'éloigne du BA où le même micro-obstacle pourra cette fois-ci déclencher la transition.
Si l'on observe maintenant la zone de la jonction avec la voilure, on imagine assez bien le lieu de transition à l'origine de la zone claire en triangle (pointillé blanc) qui se situe pile poil au raccord pantalon/voilure sur le bord d'attaque pantalon. Cet endroit est de façon plausible stressant pour les filets d'air et susceptible de déclencher la transition. Suivons maintenant un filet d'air (en rouge). Il est au départ dans la zone laminaire, puis transite (croix rouge) et poursuit son chemin en zone turbulente jusqu'au bord de fuite avec un mouvement de vague, comme si il contournait une zone différente. Mon intuition est qu'il se produit une zone de recirculation (frontière en vert), ce que montrent les coulures sur l'aile en sens inverse de l'écoulement général (flèches vertes).
En zoomant sur le raccord, on voit qu'une partie de l'huile piégée dans la bulle remonte sous l'intrados de l'aile et qu'une partie arrive même à rejoindre l'écoulement général, éloigné du sillage du pantalon.
Remarques:
La mise en incidence des pantalons est bien réelle à basse vitesse, nous l'avons constaté avec l'étude brins de laine. Il est probable que la phase d'approche ait modifié les dessins. Donc, encore une fois, les observations doivent se faire en temps réel. Pour autant, une bulle de recirculation existe des deux côtés et continueront à exister quelle que soit la vitesse. Il convient donc de les traiter par ajout de volume (Karmans) et ainsi les faire disparaitre. Les bulles sont vues par l'écoulement général comme des obstacles qui doivent être contournés, elles n'ont pas la forme choisie d'un Karman de volume équivalent moins coûteux en traînée, malgré l'augmentation très modérée de surface mouillée.
Concernant maintenant la zone turbulente en triangle dont l'origine semble être le manque de fluidité du raccord pantalon/voilure au bord d'attaque, l'idéal serait de placer un congé arrondi comme ils en existent entre voilure et fuselage sur les Jodels. Pour des contraintes de montage, notamment de maintien du joint caoutchouc qui nécessitent un support vertical, je vais décider de ne rien faire, compte tenu également de la faible surface en écoulement turbulent et du faible manque à gagner.
Pour les Karman, je vais faire quelque chose qui ressemble à ce schéma en arrière du maitre-couple du profil, de manière à pouvoir conserver les joints d'appuis qui seront un peu plus long. Ça va, j'en ai acheté 10 mètres :)
On a hâte de voir les résultats de l'huile et surtout leur interprétation ! (Salir des beaux carénages tout beaux tout neufs, moi je dis c'est pas honteux !)
RépondreSupprimerVoilà voilà, ça arrive 😂
SupprimerMerci Fred. Super instructif et présenté très didactique, comme d'habitude. Il n'y a plus qu'à se mettre au boulot pour apprendre ce que tu as déja décodé de manière si limpide.
RépondreSupprimerCe qui est remarquable, c’est que plus on creuse et plus on se crée du boulot. Je me demande si je vais enfin clore ce chapitre 😄
SupprimerAprès nous êtres recueillis à la lecture de l’Évangile selon Saint Yan, nous sommes éblouis par la lumière du blog de Roy LoFredy !
RépondreSupprimerJe me permets cette analogie presque religieuse parce que vous nous avez habitué à une rigueur et un sérieux habillés de légèreté et d'autodérision.
Et cela vaut bien une genoux flexion quand il s'agit de jambes de train.
J’en rougirais presque. Merci pour l’enthousiasme 😊
SupprimerDe mémoire, Kent Passer avait également rajouté des Karman au raccord train-aile. Mais les siens débutaient devant le train, et pas à partir du maître couple, car la couche limite fatigue des qu elle est freinée a la fois par l intrados de l aile et le train, ce qui se produit même avant le maître couple
RépondreSupprimerSpeed with economy, mon livre de chevet à une époque. Suis d’accord, mais j’explique pourquoi je ne le fais pas et être ainsi pardonné. Merci Renaud
SupprimerHâte de mieux voir et comprendre comment ces Karmans vont fonctionner ! (Les premières photos sont un peu difficile à interpréter !)
RépondreSupprimerJe comprends mieux avec les nouvelles photos! Joli travail. Je vous souhaite que les fils de laines et/ou l huile valident!
RépondreSupprimer... Concernant le raccord aile fuselage, quelle est la situation actuelle de l avion. Karman ou pas? (Je me rappelle qu ils avaient été montés à une époque mais qu un gain de vitesse n avait pas ete observé... Alors que ça devrait aider!)
Les Karman d’aile sont en place. Pas mesurable ne veut pas forcément dire inutile, le problème provient de la précision de mesure. Ça commence à se voir quand on fait la somme des améliorations. Donc il y a toujours une incertitude sur l’efficacité de la modif, j’ai décidé que c’était utile par l’amélioration visible de l’écoulement avec brins de laine de la zone. Merci Renaud, on va bien sûr remettre de l’huile pour les pantalons.
Supprimerramène nous de belles images du massif central
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